Le comportementaliste a pour principale mission d’éveiller les consciences sur le bien-être animal au travers de la construction d’une relation harmonieuse avec nos compagnons à quatre pattes. Créé en 1986 par Michel Chanton, Docteur en Éthologie, le métier de comportementaliste intervient sur la relation humain-animal. Il vient en aide aux humains rencontrant des problématiques avec leur animal, ou tout autre comportement qui impacte la qualité de leur relation. Il intervient également de manière préventive.
Mais c’est quoi une relation ?
Pour définir une relation, il faut se tourner vers les sciences humaines et sociales, à savoir la Psychologie sociale. Elle appréhende l’être humain comme un être social, marqué par les relations inscrites dans sa vie, dans des contextes qui agissent sur son comportement. L’être humain est un être relationnel non pas parce qu’il a des relations, mais parce que son existence le constitue à travers les liens qui le construisent et qui peuvent aussi le détruire. C’est pourquoi la notion de relation est centrale en Psychologie sociale.
Une relation est un lien dynamique :
Lien entre une personne et une ou plusieurs autres personnes, entre une personne et un ou plusieurs groupes, entre un groupe et un ou plusieurs autres groupes,
Dynamique, car il s’agit d’une entrée dans un ensemble de liens,
Qui détermine la place des uns et des autres dans la relation,
Qui structure la personne dans sa capacité de communication.
Deux types de relations se distinguent :
Les relations conventionnelles prescrites par des normes sociales et hiérarchiques (exemple : les relations professionnelles).
Les relations non-conventionnelles qui font intervenir une dimension plus personnelle.
Les relations sociales se manifestent concrètement à travers des interactions. Elles se construisent, se développent et se défont au cours de l’expérience humaine et sont fortement marquées par la période de l’enfance.
Plusieurs éléments permettent de rendre compte de la formation de relations : l’Attachement et la Socialisation.
● L’Attachement se définit comme une relation affective qui unit deux individus, à travers la valorisation et l’importance qu’ils ont l’un pour l’autre. Son importance a été mise en évidence par John Bowling, psychiatre et psychanalyste anglais.
Il détermine l’attachement comme un lien continu qui se construit par des échanges et des contacts de qualité entre les individus et qui conduit à un lien de dépendance. Il peut intervenir tout au long de la vie et contribue au bon équilibre des individus.
C’est un processus bidirectionnel qui a été illustré par des expériences montrant la force de l’attachement, non seulement chez les êtres humains, mais aussi chez les animaux : Harry Harlow, psychologue américain, en 1965 chez les macaques privés de leur mère, et René Spitz, psychiatre et psychanalyste américain, en 1946 chez les nourrissons abandonnés par leur mère. En effet, l’attachement est un besoin d’autrui primaire, inné, autonome et indépendant de la nourriture. Les comportements d’attachement servent à créer ou à restaurer l’échange et la proximité avec autrui.
L’attachement se constitue comme une relation qui s’établit à partir de combinaison de deux éléments : les soins physiques et la sécurité affective. De nombreuses recherches ont souligné son importance vitale chez l’enfant pour le développement de ses relations sociales ultérieures.
L’attachement n’est pas propre à notre espèce. Il existe également dans la prime enfance de nombreux mammifères, notamment le chien, ainsi que chez certains oiseaux, et est tout aussi vital pour leur développement social et leur équilibre psychologique.
● La Socialisation, c’est l’entrée en société, c’est-à-dire l’entrée dans des systèmes de pensée (théories, valeurs, objectifs) et d’action (attitudes, comportements, expressions). Aussi, elle peut être décrite comme le processus d’apprentissage des attitudes, des normes et des valeurs propres à un groupe à travers lequel s’opère son identité sociale et psychologique.
Georg Simmel en 1917, philosophe et sociologue allemand, la définissait comme une « entrée dans la relation sociale ». Alfred Schutz en 1960, philosophe et sociologue autrichien, avait montré que la socialisation dépendait de la sociabilité (développement des codes sociaux) de l’être humain qui s’exprimait autour de trois besoins fondamentaux :
Le besoin d’inclusion : tendance à aller chercher la communication et le contact,
Le besoin d’affection : lien d’attachement à autrui,
Le besoin de contrôle : interactions entre le besoin de sécurité et celui d’avoir une prise sur autrui.
La socialisation construit l’enfant à travers les relations qu’il établit avec les autres, avec son entourage, en même temps qu’il se découvre progressivement lui-même et qu’il s’affirme. L’enfant entre dans la relation sociale à partir de ses interactions avec ses parents. Celles-ci permettront de faire l’expérience de nouvelles interactions, qui l’intégreront progressivement dans l’univers social comme un processus relationnel.
Pour Gustave-Nicolas Finscher, professeur de psychologie sociale, la socialisation montre que la relation est un apprentissage, ce n’est pas un état, mais un processus continuel qui va durer toute la vie. Il varie en fonction des étapes de la vie. Aussi, Finscher est en désaccord avec les ouvrages qui arrêtent la socialisation avec la fin de l’enfance chez l’humain. Pour lui, tout le monde continue à être dans une dynamique de socialisation, quelle que soit la situation.
La socialisation est également présente et fondamentale dans le développement comportemental des nouveau-nés dans le monde animal. Chez le chiot, la socialisation se déroule entre la troisième et la douzième semaine. Au cours de cette période, le chiot s’imprègne de son espèce, il apprend à s’identifier et à agir comme un chien. Puis, le chiot commence à s’intéresser à d’autres espèces, interagir avec elles et obtenir les codes sociaux spécifiques à cette espèce : chats, chevaux, et bien entendu l’humain. Ces nouvelles espèces seront intégrées à son tissu social.
Au-delà de douze semaines, le seuil d’homéostasie sensorielle du chiot (seuil à partir duquel un stimulus va créer une réaction) est défini. La période de socialisation s’estompe puis disparaît complètement après la seizième semaine. Faire évoluer l’empreinte sociale du chiot est dès lors beaucoup plus difficile. Aussi, la qualité des interactions intraspécifiques (au sein de la même espèce) à cette période est primordiale pour la sociabilisation du chiot (capacité à vivre en société).
Le chien est un animal profondément lié et dépendant de l’humain (impact de la domestication), il vit dans une société humaine plus que canine. Aussi, la socialisation ne se limite pas aux codes sociaux canins, mais aussi à la familiarisation avec cette société humaine, pas toujours logique pour eux. Sont considéré comme faisant partie de la sociabilisation du chiot, la découverte des différents humains (âge, morphologie, etc.), animaux, environnements, manipulations, objets et bruits.
Attachement et Socialisation sont des processus et apprentissages relationnels profondément imbriqués tant chez l’humain que chez les animaux, notamment le chien, qui conditionnent la relation, leur relation.
Alors, comment se construit la relation avec le chien ?
Le concept de base, à la fois le plus simple et le plus difficile pour exprimer la nature de la relation, c’est celui du lien. Pour construire une relation saine et équilibrée avec le chien, il est essentiel d’établir un lien de confiance sans recours à la violence (physique et psychologique) pour que le chien se sente en sécurité.
Le lien de confiance entre les chiens et les humains s’est façonné à travers des milliers de siècles de co-évolution. Des premiers peuples qui parvinrent à faire des chiens primitifs des partenaires de chasse jusqu’à l’humain moderne qui partage sa vie avec son compagnon de salon, la confiance est au centre de la relation unique qu’entretient l’humain avec le chien.
Comment instaurer la relation de confiance et l’entretenir ?
« Il ne faut pas trop en demander à son chien. Il faut l’observer et apprendre à communiquer "en chien" … du moins un tout petit peu ! On fait fréquemment des erreurs, car son mode de communication est différent. Mais on doit tout de même essayer de se faire comprendre de son chien. Et surtout, éviter de lui imposer des choses qu’il ne comprend pas, car c’est une source d’angoisse pour lui. Pour que tout se passe bien, il est important de garder à l’esprit que c’est un chien : répondre à ses demandes de relation, d’affection, et ne pas lui imposer de contraintes inutiles. » Michel Chanton.
Concrètement, pour construire une relation harmonieuse avec le chien, il est donc nécessaire d’en apprendre un maximum sur lui afin de :
Connaître sa communication intra et interspécifique pour se comprendre et s’ajuster
Cerner ses différents types de besoin pour assurer son bien-être : physiologiques, mentaux, sociaux, olfactifs, masticatoires, exploratoires, de sécurité, d’estime, de socialisation et de familiarisation...
Connaitre ses facultés d’apprentissage, qui sont les mêmes pour la plupart des êtres vivants, humains y compris, pour développer ses compétences.
En tant qu’humain de notre chien, il est de notre devoir de donner les compétences nécessaires au chien pour évoluer au sein d’un monde régi par des règles humaines, tout en respectant ses émotions et en faisant preuve de bienveillance à travers ces apprentissages. Dès lors, la valorisation des comportements souhaités est un incontournable. Cela nécessite de l’investissement et de la patience de la part de l’humain, donc de la volonté et du temps.
Se donner du temps et en passer ensemble, autour de moments privilégiés, permet aussi de nouer davantage de lien de complicité avec le chien. Pour ce faire, il est important de connaître le chien à travers, certes ses besoins naturels et fondamentaux, et aussi ses besoins individuels, ses préférences, ses envies, en d’autres termes.
Pour apprendre à connaître ces préférences, il est nécessaire d’observer le chien et d’être à son écoute. Un moyen pour y parvenir, c’est de lui donner du choix pour développer son autonomie et sa prise de décision. Le laisser choisir : ses lieux de balade, ses lieux de repos, ses activités masticatoires en apportant de la diversité, ses moments de tendresse en s’assurant de son consentement, etc.
Cohérence, coopération, et bienveillance sont la base d’une relation de confiance harmonieuse.
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Le concept de relation est un mécanisme essentiel de la vie individuelle et collective des espèces humaines et animales. Inhérente à l’existence, une relation se définit comme un lien à autrui, elle se veut bidirectionnelle. Aussi, la qualité de la relation avec le chien se caractérise par la connaissance de son répertoire comportemental, la considération de sa singularité et le respect de son intégrité, et pas uniquement par la satisfaction de nos attentes et de nos envies. Finalement, aujourd’hui, le plus difficile dans la relation avec le chien est d'apprendre à l’aimer pour ce qu'il est réellement et non pour ce que l'on voudrait qu'il soit.
Par Fabienne Bonaldi de Place aux Chiens – Comportementaliste Éducatrice canin
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